Issu de la noblesse française, élevé dans une tradition familiale de saint-cyriens de père en fils, Carlo de Rose est un jeune lieutenant, à la tête du peloton de 9^e dragon, quand, le 12 mars 1906, un an après que la loi de séparation de l’Église et de l’État a été promulguée, il refuse d’obéir au maréchal des logis de gendarmerie qui lui demande de prêter main-forte aux « autorités civiles chargées d’exécuter l’inventaire de l’église d’Haussonville ».

« Ni moi ni mes hommes ne porterons la main sur la maison de Dieu », écrit ce jeune homme élevé dans la foi chrétienne au curé de Lunéville. Pour désobéissance, il est mis aux arrêts. Rose s’ouvre à son père de sa décision dans une correspondance d’une qualité rare, où déjà se devine l’absolue sincérité d’un homme droit.

Ce refus d’un acte violent coûtera sa carrière de cavalier à l’officier, mais débouchera sur un destin inattendu. De retour à la vie civile, à 29 ans, le narrateur, dont le récit alterne dans ces pages avec des correspondances, est habité par « le rêve de voler » alors que l’aviation balbutie encore.À LIRE AUSSI Guerre en Ukraine : les premiers F-16 volent dans le ciel ukrainien

Passionné par la technique, Rose va tenter l’expérience, fort du conseil d’un pilote parlant ainsi de l’aéroplane : « C’est comme un cheval, ça se pilote aux fesses ! » À l’époque, l’aviation est considérée comme « un sport inutile et dangereux » et il faudra toute la ténacité de Rose pour persuader la hiérarchie militaire, qu’il a réintégrée, de l’incontournable efficacité de l’aéronautique militaire. Formé sur l’aéroplane Blériot XI, du nom de celui qui a traversé la Manche, Rose déclare : « Le ciel était désormais mon nouveau territoire. »

Mission secrète

Jean Rousselot décrit le destin de son aïeul à partir des lettres retrouvées, et publiées telles quelles, et l’on suppose que sa prose a donné le ton de ce récit lumineusement sobre. Dès l’été 1911, le militaire réfléchit à l’armement des avions, il a « foi en l’aéroplane de combat, [qu’il] appellera bientôt “avion de chasse” ».

Et ce sont les premières victoires de ces pionniers, leurs déboires et leurs émotions tandis que la guerre éclate et voit l’implication progressive des pilotes de chasse prêts à bondir, la création de la première escadrille de chasse, en 1915. Vivre au fil des pages ces combats aujourd’hui où la guerre résonne de toutes parts rend ce livre encore plus prégnant.

« Je ne crois pas au bombardement, qui fait de nombreuses victimes pour de maigres avancées d’un point de vue militaire », écrit Rose. On ne dévoilera rien ici de la mission secrète qui lui sera confiée, mais cette phrase, que lui adresse le maréchal Pétain : « De Rose, je suis aveugle, balayez-moi le ciel. »

Cinéaste et auteur de Georges et Carmen – à propos de l’opéra de Bizet, Jean Rousselot dit combien son second roman doit aux ouvrages qui ont déjà été consacrés à Carlo de Rose, aux témoignages qu’il a lui-même recueillis, mais, avec cette dense matière documentaire, dont, sans doute, les échanges poignants avec femme et enfants, il a pris la juste distance pour restituer le destin de son parent, avec lequel, au sortir de ce livre, on a eu l’impression de voler.

À Découvrir

Le Kangourou du jour

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« Cavalier du ciel », de Jean Rousselot, éd. Julliard, 208 pages, 18,50 euros.